Les grands groupes réduisent leurs budgets : les cabinets misent sur les missions d’efficacité opérationnelle
- Lila
- il y a 13 minutes
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Un contexte économique contraint pour les grands comptes
Face à l’inflation persistante, à l’instabilité géopolitique et à des tensions sur les chaînes d’approvisionnement, les grandes entreprises ajustent leurs priorités budgétaires en 2024. Les pressions sur les marges et les incertitudes sur la croissance poussent les directions financières à resserrer les cordons de la bourse, y compris sur les lignes traditionnellement protégées comme les dépenses de conseil.
Selon plusieurs études de marché, les budgets alloués aux cabinets de conseil au sein des grands groupes du CAC 40 et du SBF 120 auraient diminué de 10 à 20 % depuis début 2023. Cette contraction s’accompagne d’un examen plus rigoureux du retour sur investissement des prestations. Dans ce contexte, les projets de transformation stratégique ou de repositionnement long terme passent au second plan.
Un pivot vers les missions centrées sur l'efficacité opérationnelle
Pour faire face à cette contraction du marché, les cabinets de conseil revoient leur offre. Désormais, ce sont les missions à forte valeur ajoutée, concentrées sur la réduction des coûts, l’optimisation des processus ou l’amélioration de la performance qui sont priorisées. Autrement dit : l’ère est à l’efficacité opérationnelle.
« Nos clients veulent du concret, visible rapidement. Les directions générales sont en quête de gains mesurables, pas de recommandations stratégiques sur 18 mois », confie un associé d’un cabinet du top 5. Résultat, les cabinets adaptent leurs équipes et outils pour répondre à une demande plus court-termiste, souvent orientée vers des projets de productivité, de lean management ou d’automatisation ciblée.
Réinventer la proposition de valeur
Les grands cabinets, comme McKinsey, BCG, Bain ou Roland Berger, ont déjà intégré ce virage dans leur approche. Beaucoup redoublent d’efforts pour développer des solutions opérationnelles « packagées », combinant diagnostics rapides, benchmarks sectoriels et plans d’action concrets.
Certaines structures misent aussi sur l’intégration de compétences dans le domaine du digital, de l’analytics ou du design de processus pour renforcer leur expertise opérationnelle. L’objectif : offrir un accompagnement non seulement stratégique mais également exécutable.
Des chantiers toujours prioritaires chez les clients
Malgré la contraction budgétaire, certains leviers d'intervention restent prioritaires pour les grands groupes. Parmi eux :
La réduction des coûts indirects (achats, IT, immobilier, énergie)
La digitalisation ciblée des processus internes
L’optimisation de la supply chain et la résilience du sourcing
La revue des organisations et la simplification des structures managériales
Ces sujets renvoient à une attente claire : accompagner des transformations pragmatiques, visibles et finançables. Pour les cabinets, cela implique souvent une implication plus forte sur le terrain, la mise en place de PMO robustes et des outils de pilotage précis.
Le retour en grâce du conseil « en exécution »
Dans ce contexte, certaines structures historiquement spécialisées dans le conseil en performance opérationnelle – telles que PMP, Kea & Partners, Advancy ou Argon & Co – ont vu leur position renforcée. Leur ancrage dans les problématiques industrielles, logistiques ou managériales les place en première ligne pour répondre aux nouvelles attentes du marché.
« Nous constatons une vraie remontée de nos activités orientées efficacité opérationnelle, y compris auprès de clients habituellement accompagnés par les cabinets stratégiques », souligne une associée d’Argon & Co. « Les entreprises ne cherchent plus seulement des analyses ou des scenarii, mais des résultats concrets à trois ou six mois. »
Des implications fortes pour les consultants
Ce changement de paradigme a un impact direct sur le métier de consultant. Les profils généralistes très orientés stratégie doivent aujourd’hui monter en compétences sur les logiques d’exécution, tandis que les jeunes recrues sont formées dès leurs débuts à la gestion de projets opérationnels, au pilotage KPIs ou aux outils d’automatisation.
En interne, les cabinets structurent aussi leurs offres différemment. Certains créent des practices dédiées à l’optimisation des fonctions support, d’autres rapprochent les équipes IT et opérationnelles. Les initiatives de « delivery excellence » se multiplient dans les grands cabinets pour garantir une exécution irréprochable dans des contextes clients de plus en plus exigeants.
Un signal fort sur l’évolution du marché du conseil
Cette bascule vers l’efficacité opérationnelle reflète une tendance de fond : les entreprises attendent désormais de leurs partenaires conseil qu’ils soient au service de la performance immédiate. Moins de présentations PowerPoint, plus de résultats tangibles.
Si les missions de stratégie ne disparaissent pas, elles deviennent plus ciblées, souvent liées à des arbitrages de portefeuille, à des enjeux de carve-out ou à des projets de consolidation sectorielle. Le conseil doit ainsi apprendre à conjuguer vision long terme et impact court terme, un équilibre complexe mais porteur d’avenir.
Vers un nouveau modèle d’engagement avec les clients
La pression sur les budgets transforme aussi la façon dont les cabinets contractualisent avec leurs clients. Les modèles d’engagement évoluent vers plus de flexibilité et de co-construction : forfaitisation sur des diagnostics courts, success fees basés sur les économies générées, ou encore mise à disposition partielle d’équipes en régie.
Au final, ce repli budgétaire généralisé agit comme un catalyseur de transformation pour le secteur du conseil. Il pousse les cabinets à renforcer leur capacité d’implémentation, à affiner leur compréhension opérationnelle des métiers clients, et à revisiter leurs modèles économiques.
Un défi majeur, mais aussi une opportunité de se réinventer pour rester au cœur des décisions critiques des entreprises.




