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L’industrie de la défense : nouvel eldorado des cabinets ?

  • Théo
  • 6 juin
  • 4 min de lecture

Dernière mise à jour : 31 juil.

le conseil dans le secteur de la défense

Quand géopolitique rime avec transformation stratégique

Après des années de relative stabilité budgétaire, l’industrie mondiale de la défense vit un renouveau sans précédent. En toile de fond : la montée des tensions géopolitiques, le retour de la guerre en Europe et des investissements massifs annoncés par les États dans leurs capacités militaires. Résultat : un afflux de projets, une pression opérationnelle accrue… et une opportunité en or pour les cabinets de conseil, appelés à accompagner cette réinvention stratégique.

Entre modernisation des équipements, digitalisation des chaînes logistiques et gestion des ressources humaines critiques, l’ensemble de l’écosystème défense est touché. Une aubaine pour des cabinets qui, jusqu’à récemment, concentraient davantage leurs efforts sur les secteurs de la finance ou des télécoms.


Des budgets militaires en forte hausse, catalyseurs de transformation

Le changement est d’abord budgétaire : selon le Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI), les dépenses mondiales de défense ont franchi pour la première fois la barre des 2 240 milliards de dollars en 2023, en hausse de 3,7 % par rapport à l’année précédente. En Europe, plusieurs pays ont annoncé des révisions majeures à la hausse de leurs budgets militaires : l’Allemagne, avec son fonds spécial de 100 milliards d’euros, ou encore la Pologne, qui vise les 4 % de PIB.

Ces hausses budgétaires ne se traduisent pas uniquement en achats d’équipements. Elles impliquent également des refontes organisationnelles, des dynamiques d’innovation, et des logiques d’investissement long terme. D’où la sollicitation croissante des cabinets de conseil, aussi bien dans la définition de feuille de route stratégique que dans le pilotage opérationnel de projets complexes.


Une demande en conseil en forte croissance… mais très codifiée

Les grands noms du conseil en stratégie — McKinsey, BCG, Bain — sont déjà présents depuis plusieurs années dans le secteur, notamment via des missions pour les ministères de la Défense ou les industriels du secteur (Thales, Airbus Defence, Nexter…). Mais cette présence s’est amplifiée depuis 2022. Le marché s’ouvre à une typologie plus large d’acteurs, y compris les cabinets spécialisés en transformation opérationnelle (Wavestone, BearingPoint, Onepoint), voire en cybersécurité ou en supply chain.

Une complexité réglementaire et éthique à maîtriser

Le secteur défense n’est néanmoins pas un marché comme les autres. Fortement réglementé, impliquant des données sensibles et des partenaires publics, il impose des standards élevés de conformité et de confidentialité. Travailler pour un ministère ou pour une direction d’armement suppose bien souvent des équipes habilitées "secret défense" et une parfaite maîtrise des logiques de marchés publics.

Par ailleurs, la nature même des missions questionne parfois. Le Conseil d’État avait, dès 2021, rappelé l’exigence de transparence et la nécessité de ne pas déroger aux obligations déontologiques, dans des secteurs aussi sensibles que celui des armées ou de la sécurité intérieure. D’où une vigilance accrue sur la finalité des projets ou les zones d’intervention.


Stratégie, transformation, innovation : les domaines d’intervention

Feuilles de route et vision 2040

Les armées comme les industriels cherchent à redessiner leur horizon stratégique. Pour les cabinets de conseil, cela se traduit notamment par l’élaboration de schémas directeurs à moyen-long terme : développement d’une défense européenne, intégration des innovations duales (militaires – civiles), anticipation des menaces asymétriques…

Digitalisation des chaînes de valeur

Entre l’automatisation des ateliers de maintenance, l’implémentation de jumeaux numériques pour les systèmes d’armes ou le recours à l’IA dans l’aide à la décision, la modernisation des outils et process devient centrale. Plusieurs cabinets tech — notamment Sopra Steria, Accenture ou CGI — remportent des marchés dans ces domaines, parfois en partenariat avec des pure players défense.

Gestion du capital humain et montée en compétences

Face à la pénurie de profils spécialisés (systèmes embarqués, cybersécurité, ingénierie balistique…), les clients du secteur doivent aussi repenser leur politique RH. Mode de travail hybride, nouvelles générations, reconversion des anciens militaires : les cabinets peuvent ici jouer un rôle de conseil stratégique et opérationnel fort.


Un miroir des mutations profondes de l’économie de la défense

Si l’appétit des cabinets pour ce marché est manifeste, il reflète aussi une évolution majeure : celle d’une industrie historiquement programmée sur un temps long, désormais confrontée à l’exigence de réactivité, d’innovation et d’agilité.

Dans ce contexte, le recours au conseil n’est plus perçu comme un luxe, mais comme une condition de réussite des transformations majeures. Et ce, qu’il s’agisse de structurer une direction de programme de nouvelle génération, de sécuriser une supply chain exposée ou d’intégrer les standards de la défense dans une approche ESG.


Perspectives : quelles opportunités pour les consultants ?

Le repositionnement des cabinets sur le secteur défense oblige aussi à repenser les profils recherchés : cultures militaires et industrielles, gestion de projets complexes, ingénierie système, compréhension fine des enjeux géostratégiques… Ces compétences hybrides deviennent clés pour répondre aux défis des prochaines années.

Pour les jeunes diplômés, c’est également une occasion unique de conjuguer engagement stratégique, missions à fort impact et expertise industrielle. Plusieurs cabinets ont d’ailleurs lancé, depuis quelques mois, des programmes spécifiques sectoriels ou des "defense practices" dédiés à ce champ.

In fine, l’essor du conseil dans la défense dit quelque chose de plus large : la convergence croissante entre souveraineté, innovation technologique et excellence opérationnelle, où le conseil apparaît comme une brique essentielle de cette équation stratégique.

 
 
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