Industrie automobile : les cabinets au cœur de la transition vers l’électrique et les gigafactories
- Claire
- 17 sept.
- 4 min de lecture

Une filière à l’aube d’un bouleversement stratégique
L’industrie automobile vit une transformation sans précédent. La montée en puissance de la mobilité électrique, sous l’impulsion des réglementations environnementales, des ambitions climatiques européennes (objectif zéro émission carbone en 2050) et de l’évolution rapide des préférences consommateurs, pousse tout l’écosystème automobile à se réinventer. Dans ce contexte, les cabinets de conseil jouent un rôle de plus en plus central, notamment dans l'orchestration de projets de transition vers l’électrification et le déploiement massif de gigafactories.
Cette mutation stratégique touche non seulement les constructeurs, mais aussi l’ensemble de la chaîne de valeur — des fournisseurs de batteries aux distributeurs en passant par les équipementiers. Le recours aux cabinets de conseil s’intensifie, tant pour élaborer des feuilles de route ambitieuses que pour piloter la mise en œuvre industrielle à grande échelle.
Les gigafactories : enjeu industriel et souveraineté stratégique
L'un des axes majeurs de cette transition est la création de gigafactories dédiées à la production de batteries électriques. Ces infrastructures imposantes – entre 150 et 300 000 m² – ont pour vocation de sécuriser l’approvisionnement des constructeurs en cellules lithium-ion en Europe. Tesla, avec sa Gigafactory de Berlin, a ouvert la voie, suivie par Stellantis, Renault, Volkswagen ou encore Northvolt, partenaire stratégique de plusieurs géants européens.
La France et l’Allemagne investissent massivement dans ces projets, soutenus par des subventions publiques à l’échelle nationale et européenne (IPCEI, Plan France 2030). Les enjeux sont multiples : souveraineté industrielle, réduction de la dépendance asiatique, maîtrise des coûts, réduction de l’empreinte carbone.
Le rôle moteur des cabinets de conseil dans les projets gigafactory
Pour répondre à la complexité de ces opérations, les cabinets de conseil interviennent sur plusieurs volets :
Études de faisabilité (modèle économique, dimensionnement, choix d’implantation, évaluation ESG)
Conception et pilotage des feuilles de route de déploiement industriel
Optimisation des chaines d’approvisionnement (procurement, sélection des fournisseurs, logistique)
Gouvernance de projet et PMO pour tenir les délais et les coûts
Accompagnement en change management, notamment sur les impacts RH, les recrutements ou la montée en compétences
Des cabinets comme Roland Berger, McKinsey, ou encore Kea & Partners sont particulièrement actifs sur ces chantiers en Europe. McKinsey, par exemple, a contribué à plusieurs projets industriels sur batteries en Europe avec une approche "design to scale" permettant de modéliser les besoins capacitaires à horizon 2030-2040 selon les scénarios de demande VE (véhicules électriques).
Transformation des constructeurs : une révolution de la chaîne de valeur
La mobilité électrique ne concerne pas uniquement le véhicule final, elle implique un remaniement total des modèles économiques, des process industriels et des partenariats.
Les entreprises qui faisaient historiquement appel aux cabinets de conseil pour des sujets marketing ou de réduction de coûts sollicitent désormais une aide stratégique profonde : redéfinir l’ADN produit, mettre en place des plateformes logicielles natives (software-defined vehicle), ou encore concevoir de nouveaux modèles de mobilité.
Exemple : Renault et sa stratégie électrique
Renault a créé en 2023 Ampere, son entité dédiée aux VE et au logiciel, afin de gagner en agilité et d’attirer des talents spécifiques. Cette entité séparée travaille en open innovation avec des startups, des fournisseurs technologiques, et s’appuie sur des missions de conseil pilotées en externe ou en alliance avec des accélérateurs. Les missions typiques incluent la digitalisation des opérations, l’optimisation du portefeuille de production ou le passage à une supply chain "circulaire".
La place des cabinets devient ainsi double : partenaire de transformation digitale, mais aussi assistant stratégique des nouveaux business models (car-as-a-service, abonnements à la batterie, etc.).
Des défis opérationnels massifs à accompagner
Le passage à l’électrique ne se fait pas sans turbulence : tensions sur les matières premières (lithium, cobalt, nickel), goulots d’étranglement dans la chaîne logistique, manques de compétences techniques, incertitudes réglementaires… Tous ces challenges exigent des plans de résilience, que les cabinets aident à bâtir.
Le capital humain devient un enjeu stratégique. La montée en compétences vers les technologies batterie, électronique de puissance ou software embarqué pousse les constructeurs à revoir leur gestion prévisionnelle de l’emploi. Les consultants RH sont de plus en plus sollicités sur ces sujets, aux côtés des spécialistes en organisation et conduite du changement.
Un rôle transformé pour les cabinets – éclaireurs, architectes, opérateurs
La mission des cabinets évolue dans cette transition : plus seulement produire des recommandations, mais concevoir et accompagner la mise en œuvre dans la durée. Les clients attendent plus de résultat, de partenariat, parfois même du co-investissement.
Par ailleurs, la verticalisation des expertises devient clé. Avoir une connaissance fine de la batterie solide, des réglementations d’homologation européennes ou encore des enjeux d’industrialisation de cellules prismatiques est devenu différenciant. Les compétences hard et industrielles reprennent leur valeur dans un monde où l’impact se mesure par le GWh produit, pas seulement le slide livré.
Ce que cette transition révèle sur le conseil de demain
La transition vers l’électrique et les gigafactories illustre une mutation du secteur du conseil : plus proche de la substance industrielle, plus engagé dans l’opérationnel, et plus responsable en matière d’impact.
Cela reflète une transformation plus large du rôle des cabinets, appelés à devenir des catalyseurs de durabilité et de souveraineté industrielle. Un retour aux fondements du conseil : résolution de problèmes complexes, mais avec un nouveau prisme – durable, systémique et technologique.
Alors que l’Europe veut devenir un hub mondial de la technologie batterie, les cabinets qui sauront conjuguer vision stratégique, maîtrise technique et proximité industrielle s’imposeront comme des partenaires incontournables de cette nouvelle révolution.




