Féminisation des instances dirigeantes: où en sont vraiment les cabinets en 2025 ?
- Florian
- 11 juin
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 31 juil.

Un paysage en transformation, mais encore inégal
En 2025, les grands cabinets de conseil revendiquent des progrès notables en matière de féminisation de leurs organes de gouvernance. Cependant, derrière les chiffres et les communications officielles, la réalité est bien plus nuancée. Depuis la loi Rixain en France, le seuil de 30 % de femmes dans les instances dirigeantes d’ici 2026 devient une obligation pour les grandes entreprises. Les cabinets de conseil, souvent « donneurs de leçons » en matière de transformation organisationnelle, étaient attendus au tournant. Qu'en est-il réellement ? Si quelques acteurs se démarquent, la majorité du secteur reste confrontée à des résistances culturelles et à une inertie sur les plus hautes strates du pouvoir.
Des feuilles de route ambitieuses, mais des résultats contrastés
Des objectifs chiffrés assumés
Dès 2021, plusieurs leaders du conseil, dont McKinsey & Company, Roland Berger ou encore EY, ont rendu publiques des feuilles de route ambitieuses pour accroître la représentation des femmes dans leurs comités exécutifs et conseils de direction. Accenture, par exemple, annonçait dès 2023 une parité atteinte dans son executive leadership en Europe, avec 50 % de femmes. Le cabinet britannique démontre ainsi que des politiques volontaristes — mentorat ciblé, quotas internes, et critères de performance inclusifs — peuvent produire des résultats tangibles.
Des écarts notables entre les cabinets
Malgré ces bons élèves, d’autres structures peinent à dépasser les 20 % de femmes dans leurs instances de décision. Une enquête menée en janvier 2025 par le think tank "Le Lab du Conseil" révèle qu'**en moyenne, les femmes représentent 26 % des dirigeants dans les 20 plus grands cabinets de conseil opérant en France**, avec d’importantes disparités entre cabinets français indépendants et structures anglo-saxonnes. PwC et Deloitte, parmi les Big Four, affichent respectivement 32 % et 29 % de femmes dans leur comité exécutif France, alors que des cabinets plus spécialisés comme Wavestone ou Bartle affirment dépasser les 35 %.
Les freins persistants à une parité réelle
Un plafond de verre toujours présent
Si la promotion des femmes est bien amorcée à l’échelon manager ou associate partner, c’est l’accès au rang de partner, puis à celui de managing partner, qui constitue encore aujourd’hui un défi. Selon plusieurs témoignages collectés auprès de consultantes seniors, des biais implicites lors des processus d’évaluation, alliés à des attentes en disponibilité incompatibles avec certaines contraintes familiales, constituent encore des obstacles majeurs. Dans plusieurs cabinets interrogés, les critères de promotion restent implicitement calqués sur un modèle masculin historiquement dominant : disponibilité totale, mobilité internationale, capacité à développer rapidement un portefeuille client.
La maternité, toujours un point aveugle
Autre point de tension : la gestion des carrières pendant et après la maternité. De nombreux cabinets ont mis en place des politiques de soutien : congés parentaux étendus, programmes de retour progressif, coaching en milieu de carrière. Pourtant, dans la réalité, ces ruptures de parcours sont encore trop souvent perçues comme des ralentissements de trajectoire, voire comme un désengagement.
Quand la féminisation devient un levier stratégique
Un enjeu d’attractivité pour les talents
La guerre des talents dans le conseil oblige les cabinets à repenser leur culture organisationnelle. Les nouvelles générations – notamment les consultants issus des grandes écoles – sont de plus en plus sensibles aux engagements RSE, dont la parité est un indicateur-clé. « Les candidats demandent très clairement quel est le pourcentage de femmes partners, combien de managing partners sont issues de la promotion interne féminine. Certains déclinent les offres si ces données ne sont pas convaincantes », confie une directrice RH d’un cabinet de stratégie implanté à Paris et Londres.
Une gouvernance plus diverse, vectrice de performance
Plusieurs études démontrent que la diversité de genre dans les instances dirigeantes améliore la qualité des décisions stratégiques, l’innovation et la performance commerciale. Les cabinets de conseil, promoteurs de ces études auprès de leurs clients, ne peuvent plus faire abstraction de leur propre exemplarité. Roland Berger, qui a initié depuis 2020 un programme "Women Leadership Lab" en interne dans ses bureaux européens, observe une meilleure rétention des talents féminins et une amélioration de la satisfaction clients sur les projets pilotés en équipe mixte.
Vers une refonte des modèles de leadership
La féminisation des sommets hiérarchiques bouscule en profondeur les modèles de leadership traditionnels dans le secteur du conseil. Le modèle du « partner-chasseur », charismatique et ultra-disponible, tend à céder le pas à un style plus collectif, inclusif et orienté résultat durable. De plus en plus de cabinets s’interrogent sur leurs processus d’évaluation et de nomination : comment identifier les leaders de demain sans reproduire les biais du passé ? Cela pousse certaines structures à revoir leurs KPIs internes, intégrer des indicateurs de diversité dans les bonus des partners, ou encore créer des boards de gouvernance plus transverses.
Conclusion : un secteur en mutation, mais sous surveillance
Le chemin vers une réelle parité dans les instances dirigeantes des cabinets de conseil est encore long. Si certains acteurs montrent la voie, la moyenne du secteur reste en deçà des exigences sociétales actuelles. Les clients — grands groupes, administrations, ETI — sont de plus en plus regardants sur la composition des équipes qui les conseillent. À l’heure où ces mêmes clients demandent transformation culturelle, inclusion et exemplarité, les cabinets ne peuvent plus se contenter d’initiatives symboliques. La féminisation des organes de gouvernance, au-delà d’un simple impératif RSE, devient un indicateur avancé de la capacité des cabinets à se réinventer et à rester compétitifs dans un marché en pleine recomposition.




