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EY France : les salariés votent massivement pour le rétablissement de la limite hebdomadaire de 48 heures

  • Photo du rédacteur: Jérémy
    Jérémy
  • 7 mai
  • 4 min de lecture

Dernière mise à jour : 31 juil.

Dans un vote interne organisé en mai 2024, les collaborateurs d’EY France se sont exprimés à plus de 85 % en faveur du rétablissement de la limite hebdomadaire de 48 heures de travail, après plusieurs années de dérives horaires souvent décriées. Une décision symbolique pour le secteur du conseil.


employés EY fatigués

Une décision inédite dans l’univers du conseil en France

Dans une industrie régulièrement pointée du doigt pour ses exigences en matière de temps de travail, les salariés d’EY France ont massivement approuvé, à plus de 85 %, le rétablissement explicite de la limite hebdomadaire des 48 heures. Un résultat sans ambiguïté, issu d’une consultation interne organisée en mai 2024, qui marque un tournant stratégique pour le cabinet, et peut-être pour tout le secteur du conseil. Cette décision, bien que conforme au droit européen (directive 2003/88/CE), vient rappeler une réalité souvent édulcorée dans les grands cabinets : l’ampleur des charges de travail auxquelles sont confrontés les collaborateurs. Elle s’inscrit aussi dans un contexte où la qualité de vie au travail devient un levier stratégique majeur pour attirer et fidéliser les talents, sur fond de transformation profonde des attentes professionnelles post-Covid.


Un retour au cadre légal : le signal d’un nouveau contrat social

Une initiative portée par les salariés

Jusqu’ici, comme dans la majorité des Big Four, les semaines dépassant 60 heures n’étaient pas rares, notamment en période de “closing” ou lors de missions complexes. Si, juridiquement, la limite absolue de 48 heures par semaine sur une moyenne de 12 semaines glissantes est encadrée par la législation, sa formalisation explicite dans les accords internes est rarement respectée, échappant à la réalité quotidienne des équipes. Le vote organisé par la direction d’EY France s’est voulu transverse et démocratique, incluant l’ensemble des collaborateurs, de l’audit aux métiers du consulting en passant par les fonctions support. Le taux de participation, supérieur à 70 %, traduit un engagement fort et un besoin de rééquilibrage entre performance et soutenabilité.

Un choix aligné avec le droit européen

La mesure votée rappelle un principe de base du droit du travail : aucun salarié ne peut travailler en moyenne plus de 48 heures par semaine sur une période de 12 semaines consécutives, sauf dérogation volontaire. La France, bien que signataire de cette directive, tolère parfois des flexibilités dans certaines branches, notamment dans le conseil, où l’“autonomie des cadres” sert souvent de justification implicite. EY France annonce ainsi vouloir renforcer ses mécanismes de suivi du temps de travail, tout en mettant un terme aux “dérives silencieuses” qui contribuent à l’épuisement progressif des équipes.


Qualité de vie, marque employeur et performance durable

Un repositionnement stratégique

Ce virage opéré par EY s’inscrit également dans une logique stratégique : faire de la qualité de vie au travail un facteur différenciant dans un marché ultra-concurrentiel. Les cabinets de conseil sont aujourd’hui confrontés à une pression majeure pour recruter et retenir les meilleurs talents – dans un environnement post-pandémique qui valorise désormais la flexibilité, l'équilibre et la santé mentale. En actant ce plafond horaire hebdomadaire, EY envoie un signal fort quant à sa volonté de repenser son contrat social. Cela pourrait devenir un avantage compétitif dans un paysage des “Big Four” qui peine à se départager sur l’offre de services ou la rémunération. Les jeunes diplômés des grandes écoles, plus sensibles aux enjeux de bien-être que leurs prédécesseurs, y verront possiblement un signal fort de responsabilité.

Des implications managériales immédiates

Une telle mesure soulève d’importants défis organisationnels. Comment respecter ce plafond sans compromettre la rentabilité des missions ? EY France devra sans doute repenser ses modèles d’allocation de ressources, renforcer la planification des effectifs et adapter ses méthodes de pilotage de projets. Cette nouvelle contrainte supposera également un dialogue renforcé avec les clients, pour redéfinir certaines attentes en matière de disponibilité et de réactivité. Une discussion complexe, mais nécessaire, dans un secteur où la culture de l'urgence et du "toujours disponible" reste ancrée.


Une décision symptomatique d’un changement de culture dans le conseil

L’initiative d’EY ne surgit pas dans un vide. Elle fait écho à une série de signaux faibles qui traversent l’écosystème du conseil depuis plusieurs mois :

  • Des départs massifs dans certains cabinets en 2023, aggravés par des burn-outs ou des reconversions vers d’autres secteurs moins exigeants.

  • Des vagues de dénonciations sur les réseaux sociaux (notamment TikTok et Instagram) de la part de jeunes consultants soulevant les excès du “work hard culture”.

  • La montée des politiques RSE intégrant la santé mentale comme critère d’évaluation extra-financière.

Dans ce contexte, le choix d’EY pourrait faire école. D'autres grands acteurs du conseil — tels que Deloitte, KPMG ou Mazars — pourraient emboîter le pas, contraints par une double pression : celle des talents et celle des régulateurs.


Perspective : vers un modèle de conseil plus durable ?

Le retour affiché à une limite horaire claire ne signifie pas la fin de l’intensité dans le conseil, mais l’amorce d’un rééquilibrage nécessaire. Pour EY, cette décision relève autant de la gestion des risques RH que de la transformation des pratiques managériales. Elle incarne aussi une prise de conscience : le capital humain est devenu l’actif stratégique numéro un. À terme, ce choix pourrait annoncer une mutation plus profonde du modèle du conseil. En privilégiant la pérennité, la responsabilisation collective et une meilleure répartition de la charge, c’est un leadership neuf qui s’invente. Dans une industrie historiquement marquée par le culte de la performance et de la loyauté sans frontières, la semaine à 48 heures pourrait bien devenir le nouveau standard… et redevenir un atout concurrentiel.

 
 
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