Décarbonation de l'industrie : où en est-on pour les cabinets de conseil en France et dans le monde ?
- Giulia
- 7 nov.
- 4 min de lecture

Un impératif stratégique mondial
La décarbonation de l’industrie est aujourd’hui un défi central pour les économies développées et émergentes. Avec plus de 20 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre issues du secteur industriel, les pressions réglementaires, sociétales et financières poussent les entreprises à revoir leurs modèles d’exploitation. Dans ce contexte, les cabinets de conseil jouent un rôle croissant d’accompagnateurs stratégiques et opérationnels. En France comme à l’international, les grandes firmes de conseil – McKinsey, BCG, Deloitte, EY, Bain & Company, Capgemini Invent, Sopra Steria Next ou encore Wavestone – accélèrent leur positionnement sur les enjeux de décarbonation. Entre transformations industrielles et accompagnement ESG (Environnement, Social, Gouvernance), ils redéfinissent leur offre pour répondre à une demande en forte croissance.
Une dynamique de marché en pleine mutation
Selon une étude publiée par Verdantix en 2023, les dépenses des grands groupes industriels dans les services de conseil liés à la transition climatique ont augmenté de plus de 30 % en deux ans. En Europe, la France se distingue comme un marché actif, stimulé à la fois par des réglementations ambitieuses (Stratégie Nationale Bas-Carbone, Taxonomie Verte, décret tertiaire) et par le dynamisme des écosystèmes industriels locaux dans l’énergie, la chimie ou l’agroalimentaire. Côté cabinets, la montée en puissance de l’offre climat est palpable :
BCG a lancé en 2021 son entité BCG Climate & Sustainability, mobilisant plus de 550 experts dans 30 pays.
Deloitte a investi plus de 1 milliard de dollars dans son initiative WorldClimate et étoffe ses équipes de conseil climat via des recrutements ciblés.
Capgemini Invent a publié plusieurs rapports sur “l’industrie durable”, soulignant la nécessité d’intégrer IT, data et performance environnementale dans les chaînes de valeur.
Répondre aux attentes ESG : de la stratégie à l'exécution
Des offres structurées autour de la transition bas-carbone
Les cabinets organisent leurs offres autour de trois axes principaux :
La conception de trajectoires de décarbonation : diagnostic des émissions, scénarios alignés sur les objectifs “net zéro”, arbitrages technico-économiques.
La transformation opérationnelle : amélioration de l’efficacité énergétique, électrification des procédés, circularisation des flux, modernisation industrielle.
Le reporting extra-financier : accompagnement à la conformité CSRD, production de bilans carbone scopes 1, 2 et 3, pilotage des indicateurs ESG.
Le défi ? Articuler expertise sectorielle et maîtrise technique(modélisation énergétique, ACV, data ESG). D'où l’importance croissante des profils hybrides – ingénieurs spécialisés, data analysts climat, consultants RSE – et des partenariats avec des start-up cleantech ou des cabinets d’ingénierie.
Intégrer la décarbonation dans les feuilles de route stratégiques
La logique d’impact va au-delà du "greenwashing". Pour les industriels, il s’agit de se repositionner sur des périmètres d’activité plus sobres, plus résilients. De nombreuses missions de conseil abordent aujourd’hui des enjeux comme :
La relocalisation industrielle bas-carbone
Le développement de nouveaux modèles d'affaires circulaires
Le financement de la transition via les obligations vertes ou le private equity durable
La France en enjeu-clé pour les cabinets de conseil
Avec des acteurs industriels majeurs sur son territoire (ArcelorMittal, TotalEnergies, Saint-Gobain, Air Liquide...) et un tissu dense de PME-ETI techniques, la France représente un terrain stratégique. Les grandes firmes accélèrent leur implantation régionale pour répondre aux besoins locaux. Par exemple, Wavestone a récemment renforcé sa présence à Lyon et Toulouse pour accompagner la décarbonation dans les secteurs de la chimie, de l’aéronautique et de la santé. De leur côté, les Big Four investissent dans des hubs “climate & sustainability” pour structurer leurs expertises partout en France. Le tissu des cabinets indépendants– Carbone 4, I Care, BL évolution – complète le paysage avec une approche plus spécialisée et souvent très technico-scientifique. Certains s’associent d’ailleurs à de grands groupes sur des projets de transformation complexes.
Vers une nouvelle normalité dans le conseil ?
Un enjeu de compétences et de crédibilité
Pour les cabinets, être légitimes sur la décarbonation ne se limite pas à créer une practice dédiée. Il faut former en interne, recruter des profils techniques, faire évoluer la culture métier. De plus en plus de clients exigent des preuves de l’empreinte carbone du cabinet lui-même ou de l’impact concret des recommandations. Certains cabinets répondent via des initiatives internes : cabinet carbone neutre, missions pro bono sur la transition, labels (B Corp, ISO 14001), indicateurs transparents d’impact environnemental de leurs activités.
Un avantage concurrentiel croissant
La décarbonation devient un levier de différenciation fort dans les réponses aux appels d’offres ou les grands projets de transformation. Pour les grands comptes industriels, les partenaires capables de coupler expertise sectorielle, rigueur méthodologique et scénarisation climatique sur le long terme font la différence. Certains groupes confient aujourd’hui des missions multi-années à des cabinets “climat” sur l’ensemble de leur stratégie industrielle. On assiste à un glissement : de missions ponctuelles à des partenariats structurants sur la trajectoire bas-carbone.
Et demain ? Le conseil face aux transitions systémiques
La décarbonation n’est pas un marché parmi d’autres, c’est un révélateur des mutations à venir dans le secteur du conseil. À mesure que les entreprises repensent leurs chaînes de valeur, leurs modèles et leur raison d’être économique, les cabinets doivent eux aussi se réinventer. Intégrer l’impact environnemental, social et sociétal au cœur de la stratégie n’est plus un choix, mais un impératif. Pour les cabinets de conseil, c’est une nouvelle ère qui s’ouvre : celle du conseil à impact global, à la fois moteur de performance et garant de soutenabilité. Ceux qui sauront conjuguer rigueur, innovation et engagement auront une longueur d’avance dans la prochaine décennie.




