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Due diligence climat : cette nouvelle expertise que les fonds attendent de leurs cabinets partenaires

  • Photo du rédacteur: Giulia
    Giulia
  • 30 juil.
  • 4 min de lecture

Dernière mise à jour : 31 juil.

Parc éolien en pleine mer

La transition climatique s’impose comme un critère central dans les opérations d’investissement


Depuis quelques années, les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) se sont progressivement imposés dans le radar des investisseurs. Mais à mesure que les réglementations s’intensifient et que les risques liés au changement climatique deviennent plus tangibles, les fonds d’investissement franchissent un nouveau cap : ils exigent désormais de leurs cabinets de conseil partenaires une due diligence climatique structurée, rigoureuse et actionnable. Au même titre que les due diligences financières, juridiques ou opérationnelles, les fonds s'attendent à disposer d'analyses détaillées sur l’exposition d’une cible au risque climatique, sa dépendance aux énergies fossiles ou encore sa capacité à se conformer aux trajectoires de décarbonation. Cela redéfinit en profondeur l’offre de services des cabinets de conseil, tant stratégiques que spécialisés.


Une nouvelle brique incontournable dans le processus d'investissement


Vers une normalisation de la due diligence climat

Ce qui n’était encore qu’un module observé de loin dans le cadre de due diligences ESG devient aujourd’hui une composante autonome, expertisée et rigoureusement documentée : la due diligence climat. Elle s’inscrit dans un contexte réglementaire de plus en plus exigeant, notamment sous l’effet des articles 8 et 9 du règlement européen SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation), de la taxonomie verte de l’UE ou encore, en France, de la Loi Énergie-Climat. Dans ce contexte, les fonds – notamment les fonds d’investissement à impact, les fonds régulés ou les institutionnels – ne peuvent plus se contenter de reporting volontaires ou de promesses de neutralité carbone. Ils nécessitent une évaluation détaillée des risques physiques (ex. inondations, vagues de chaleur) qu’encourent leurs cibles, mais aussi des risques de transition (hausse du prix des quotas carbone, évolution de la réglementation, basculement de la demande, etc.).


Une pression croissante sur les cabinets de conseil

Pour répondre à ces attentes, les cabinets de stratégie générale (type McKinsey, BCG, Bain) comme les structures plus spécialisées (Carbone 4, I Care, EY Climate Change and Sustainability Services, etc.) ont significativement renforcé leurs lignes de services dédiées à la stratégie climat. Certains cabinets adoptent une approche intégrée, en internalisant des expertises climat dans leurs équipes de deal advisory. D’autres nouent des partenariats avec des cabinets de modélisation environnementale ou ont créé des entités dédiées à ces missions. Le cabinet Carbone 4, par exemple, fait figure de pionnier en France : dès 2020, il proposait aux investisseurs une méthodologie d’analyse climat reprenant les axes d’exposition, d’ambition, de crédibilisation des plans et d’alignement stratégique. Aujourd’hui, ces modèles sont utilisés par de grands fonds français comme Ardian, Bpifrance ou Tikehau.


Des attentes de plus en plus stratégiques de la part des fonds


Jusqu’à récemment, les attendus des acheteurs sur la composante climat étaient encore peu homogènes. L'effort portait majoritairement sur la conformité réglementaire, le suivi de quelques indicateurs carbone et parfois la mise en place de plans de compensation. Mais la tendance de fond s’accélère.


Un critère de compétitivité pour les PE et les cabinets

Pour les fonds de private equity, la capacité à intégrer activement le climat dans leurs thèses d’investissement devient un différenciateur important. Ils veulent pouvoir démontrer, dès l’analyse préliminaire, que leur cible est compatible avec un scénario net zéro – ou qu’un plan crédible peut la mettre sur cette trajectoire. Cette capacité à anticiper les inflexions du marché devient un gage de performance sur le moyen et long terme. En conséquence, les cabinets conseillant ces fonds doivent désormais maîtriser les éléments clés du "climate due diligence" : évaluation des émissions scope 1, 2 et 3, stress tests de résilience climatique, projection des impacts financiers liés aux politiques publiques ou à la transition technologique, etc.Il ne s'agit plus seulement de cocher une case RSE, mais de fournir une analyse stratégique sur la faisabilité et le coût d’une transition bas carbone dans différents scénarios. C’est une composante qui peut désormais impacter la valorisation, voire remettre en question une opération.


Une opportunité de repositionnement pour les cabinets


Enrichir les offres, embarquer les compétences

Cet impératif représente aussi une chance pour les cabinets de conseil de se différencier sur le marché et de crédibiliser leur posture de partenaire stratégique de long terme. De plus en plus de jeunes consultants expriment un intérêt marqué pour les sujets de durabilité. Plusieurs cabinets font ainsi le pari d’une transversalité croissante entre stratégie, sustainability et transformation. Cela pousse à rapprocher les équipes climat des practices sectorielles, notamment industrie, énergie ou services financiers, afin de produire des analyses plus actionnables et pertinentes pour les opérations. On observe également l’émergence de profils hybrides sur le marché : climatologues data-savvy, ingénieurs environnementaux formés au M&A, ou consultants généralistes ayant suivi des spécialisations ESG / climat au sein de leur cabinet ou via des formations complémentaires (X+HEC climat, certification ACT, etc.).


Un changement profond dans l’économie de la due diligence

Cette évolution a également un impact opérationnel non négligeable. Là où une due diligence ESG s’étalait sur deux à trois semaines, une due diligence climat exige parfois jusqu’à six semaines de travail, selon la maturité de la cible et la profondeur des axes étudiés. Cela change les temporalités d’exécution, les ressources à mobiliser et les compétences requises. Signe des temps : plusieurs cabinets spécialisés rapportent une saturation de leurs capacités sur ces sujets. Une situation qui pousse certains acteurs du conseil plus traditionnels à développer des pôles internes dédiés au climat, sous peine de devoir refuser ou sous-traiter des missions à forte valeur stratégique.


Un tournant structurel pour le conseil, bien au-delà de la finance

La montée en puissance de la due diligence climat révèle une inflexion majeure dans la manière de conjuguer conseil, stratégie d’entreprise et enjeux environnementaux. Au-delà du champ des fonds, les entreprises elles-mêmes adoptent ce type d’approche en amont de projets d’acquisition, de diversification ou d’investissements industriels. Le conseil est donc contraint de sortir d’une approche silotée, en intégrant les dimensions climatiques non plus comme un enjeu de conformité ou de réputation, mais comme un facteur de compétitivité, de résilience et de valorisation à part entière. C’est toute une nouvelle génération de missions qui s’installe, et avec elle, de nouvelles expertises à développer pour les consultants. Une évolution qui dessine les contours du conseil de demain – plus systémique, plus transversal, et résolument tourné vers les défis de la transition.

 
 
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