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Conseil en stratégie dans le secteur public en France : où en est-on ?

  • Photo du rédacteur: Jérémy
    Jérémy
  • 6 mai
  • 4 min de lecture

Dernière mise à jour : 31 juil.

Le conseil dans le public

Un marché en mutation entre rationalisation et modernisation

Depuis une dizaine d’années, le recours au conseil en stratégie dans le secteur public français connaît une transformation profonde. Au carrefour de la maîtrise des dépenses publiques, de la modernisation de l’action étatique et de l’accélération numérique, les institutions publiques sollicitent de plus en plus les expertises externes pour accompagner leurs grandes réformes. Le marché français du conseil dans le secteur public est évalué à plus de 350 millions d’euros annuels, selon les estimations de Syntec Conseil. S’il ne représente qu'une fraction du marché global du conseil hexagonal, sa croissance est portée par la complexification des politiques publiques et la volonté des administrations de gagner en efficience.


Le recours sous la loupe du débat public

Le rapport de la Cour des comptes et la commission d’enquête sénatoriale

Le conseil en stratégie auprès de l’État a récemment suscité de nombreuses interrogations dans l’espace public. En 2022, la publication d’un rapport de la Cour des comptes, suivi de la création d’une commission d’enquête sénatoriale sur l'influence des cabinets de conseil, a mis en lumière le recours croissant, parfois opaque, aux cabinets privés. L’un des cas emblématiques reste l’implication de cabinets tels que McKinsey, BCG ou Accenture dans la gestion de la crise du Covid-19 ou dans la réforme des retraites. Ces missions, souvent commandées dans l’urgence ou hors appels d’offres classiques, ont soulevé des questions sur la dépendance des pouvoirs publics à l’expertise externe. Les conclusions des travaux parlementaires ont mené à une série de recommandations : plus de transparence, meilleure structuration de la commande publique, obligation de publication des prestations au-dessus d’un certain seuil, et renforcement de l’expertise interne de l’État.


Des besoins stratégiques en forte évolution

Une administration confrontée à des mutations systémiques

Si le sujet suscite débat, il révèle surtout les nouveaux défis auxquels l’administration française est confrontée. La transition écologique, la réforme de l’État, la transformation numérique des services publics, ou encore la territorialisation des politiques publiques exigent des approches transversales et prospectives. Dans ce contexte, le conseil en stratégie devient un levier d’accélération, apportant une vision méthodologique, des benchmarks internationaux et une capacité d’analyse fine que toutes les administrations ne possèdent pas en interne. La DGFiP, les ARS, les ministères de la Santé ou de l’Éducation nationale recourent régulièrement à des cabinets pour élaborer des feuilles de route, réorganiser leurs services, ou structurer des projets d’envergure.

Vers un repositionnement des cabinets de conseil

Face aux critiques, les grands cabinets ont entamé une évolution stratégique. Certains acteurs renforcent désormais leurs équipes dédiées au secteur public – souvent regroupées dans des pôles spécialisés – afin de mieux cerner les attentes institutionnelles et proposer des prestations plus intégrées et axées sur la transformation durable. D’autres, à l’instar des cabinets de taille intermédiaire ou spécialisés comme Citizing, Roland Berger Public, ou EY-Parthenon, cherchent à conjuguer expertise technique et compréhension fine du fonctionnement administratif. L’enjeu : bâtir une relation de confiance sur le long terme, fondée sur la co-construction des solutions.


Réduire la dépendance : vers un nouveau modèle hybride

La montée en puissance des capacités internes

L’une des principales recommandations issues des débats autour du “McKinseyGate” concerne la réaffirmation d’un État stratège. Cela passe, d’une part, par le renforcement des compétences internes, en s’appuyant notamment sur des corps d’inspection, des hautes fonctions publiques réformées ou encore des think tanks publics comme France Stratégie. On assiste aussi à l’essor de l’**intelligence collective intra-administrative**, par la création de missions innovation dans les ministères, le déploiement de managers de la transformation ou encore la montée en puissance des écoles d’administration (INSP, IRA) sur les sujets de conduite du changement.

Des collaborations plus ciblées

L’approche actuelle tend donc vers un usage plus raisonné du conseil en stratégie : interventions ponctuelles, à forte valeur ajoutée, encadrement plus strict, et accent sur les transferts de compétences. La tendance est à la construction d’un mode partenarial de collaboration, où le cabinet ne se substitue pas à l’administration mais l’accompagne temporairement. Ce modèle “hybride” séduit notamment certaines collectivités locales ou établissements publics autonomes, soucieux de préserver leur souveraineté tout en accédant à une expertise stratégique qu’ils n’ont pas toujours les moyens d’avoir en interne.


Ce que cela révèle sur le futur du conseil public

La situation actuelle du conseil en stratégie dans le secteur public français est symptomatique d’une transformation plus large du rôle de la puissance publique. L’État ne peut plus tout faire seul – dans un contexte d’urgence climatique, de recomposition territoriale et de tensions budgétaires – mais il ne peut plus non plus tout externaliser sans stratégie. Les cabinets de conseil sont appelés à se réinventer dans leur posture : moins fournisseurs de solutions “clé en main”, davantage partenaires dans la conduite du changement. Le conseil stratégique dans la sphère publique devient alors le terrain d’un équilibre délicat entre expertise externe et capacité souveraine, entre agilité et responsabilité. Pour les jeunes diplômés ou les consultants désireux d’investir ce champ, le secteur public représente ainsi un terrain de missions complexes, de transformations à impact et de réflexion sur la finalité de l’action publique. Un champ où stratégie et intérêt général peuvent (parfois) converger, à condition que les règles du jeu soient claires.


Conclusion

2024 s’ouvre sur un paysage plus mature, plus encadré, mais aussi plus exigeant pour le conseil en stratégie dans le secteur public. À la croisée de la réforme de l’État et de celle du secteur du conseil, les lignes bougent. Pour les acteurs du conseil comme pour les institutions, le moment est opportun pour refonder le contrat de confiance. Un cap à dessiner ensemble : celui d’un État agile, outillé, et fier de porter ses propres réformes… avec discernement.

 
 
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