Cabinets multiservices : stratégie et exécution, fin des frontières ?
- Giulia
- 4 juil.
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 31 juil.

Vers une hybridation des expertises dans le conseil
Le monde du conseil connaît une transformation de fond. Alors que les grandes firmes étaient historiquement structurées autour de pôles distincts – stratégie, opérations, digital, organisation, RH –, une nouvelle tendance émerge : l’essor des cabinets « multiservices », capables de délivrer un accompagnement global, de la vision stratégique à la mise en œuvre opérationnelle et technologique. Cette évolution soulève une question clé : assistons-nous à la fin des frontières traditionnelles entre stratégie et exécution ? Autrement dit, le full-service est-il en passe de devenir la norme dans la chaîne de valeur du conseil ?
Un marché redessiné par les attentes des clients
Aujourd’hui, les entreprises font face à des mutations rapides (numérisation, durabilité, globalisation des chaînes de valeur, incertitudes géopolitiques) qui appellent une approche holistique. Ce contexte pousse les directions générales à privilégier des partenaires capables d'accompagner, sans rupture, du cadrage stratégique à l’implémentation concrète. Le besoin d’intégration verticale est devenu central. Le client ne recherche plus uniquement des idées brillantes, mais aussi des résultats tangibles. Il attend d’un cabinet qu’il soit à la fois penseur, architecte et bâtisseur. C’est dans ce sillage que les grands noms du conseil s’adaptent : McKinsey, traditionnellement centrée sur la stratégie pure, a massivement investi ces dernières années dans la capacité d’exécution via ses entités McKinsey Implementation ou QuantumBlack dans l’analytics ; BCG s’appuie sur BCG X pour ses compétences technologiques et ses équipes de delivery.
Des cabinets en mutation : convergence des modèles
Cabinets stratégiques qui descendent dans l’opérationnel
Les cabinets historiquement spécialisés dans la stratégie plongent désormais dans les domaines de l’exécution et du digital. Leurs motivations sont multiples :
Répondre aux attentes des clients de bout en bout
Proposer des missions à plus forte valeur ajoutée et plus longues
Assurer une croissance durable face à la concurrence technologique
L’ambition est claire : ne plus se contenter de recommander, mais assumer pleinement la mise en œuvre.
ESN et cabinets technos qui montent vers la stratégie
Symétriquement, des acteurs venus de l’informatique et de l’ingénierie – comme Accenture, Capgemini Invent ou encore Sopra Steria Next – s’efforcent de gravir les échelons dans la chaîne de valeur. Leur force réside dans le delivery, mais ils cherchent à capter les marges plus élevées du conseil stratégique en recrutant des profils venus des Big Three et en développant des compétences sectorielles et analytiques pointues. Ce double mouvement crée une zone de convergence : l’espace du conseil multiservices.
Une proposition de valeur unifiée mais non sans défis
Si le positionnement tout-en-un semble séduisant sur le papier, il n’est pas sans poser des questions internes et stratégiques.
Compétences et gestion des talents
Réussir l’hybridation des services suppose de savoir entretenir différents métiers sous un même toit : des stratégistes pointus côtoient des consultants en transformation, des ingénieurs logiciels ou encore des UX designers. Cette pluralité implique une complexité accrue dans la gestion des équipes, la formation, la culture commune et les modèles de carrière.
Modèles économiques différents
Le conseil en stratégie fonctionne souvent selon un modèle high-fee/low-volume, tandis que la mise en œuvre ou l’IT obéit à des logiques plus industrielles, avec davantage de pression sur les coûts et des revenus plus étalés dans le temps. Articuler ces dimensions dans un même cabinet demande un pilotage fin de la rentabilité et de la cohérence des offres.
Crédibilité vis-à-vis des clients
Enfin, la montée en gamme ou en complexité d’un cabinet n’est pas toujours perçue comme légitime par les clients, qui craignent soit une perte de neutralité stratégique, soit un manque de profondeur dans le delivery. Conserver la confiance et la légitimité dans les deux sphères est un exercice d’équilibriste.
Vers une redéfinition du métier de consultant
L’essor des cabinets multiservices révèle une tendance profonde : le passage d’un métier cloisonné à une approche intégrée. Le consultant n’est plus seulement un conseiller distant ; il devient un partenaire, parfois embarqué dans la mise en œuvre, voire dans les outils et l’organisation elle-même. Dans ce nouveau paradigme :
La capacité à collaborer de manière transversale devient clé
Les profils hybrides (stratégie et exécution) sont de plus en plus prisés
La transformation digitale irrigue toutes les pratiques
La barrière entre stratégie et exécution, longtemps structurante, s’efface. Ce glissement annonce une redéfinition du rôle même du conseil, vers un modèle « embedded » dans la transformation des entreprises.
Une ouverture vers un modèle de conseil agile et end-to-end
Si les cabinets multiservices ne sont pas une nouveauté en tant que tels, leur montée en puissance dans les hautes sphères du conseil signe peut-être une nouvelle ère : celle du cabinet agile, capable de penser, concevoir et implémenter en continu. Plus qu’une mode, il s’agit probablement d’une adaptation profonde à la complexité croissante de l’environnement économique. Le client ne souhaite plus multiplier les interlocuteurs : il cherche un partenaire unique, robuste et complet. Ce qui est en jeu, au fond, c’est la capacité du conseil à se réinventer en permanence, en s’affranchissant des cloisons héritées et en mettant la chaîne de création de valeur au cœur de sa promesse : de la stratégie... à l’action.




