Baisse des taux directeurs : vers une reprise du carnet de commandes des cabinets de conseil ?
- Jérémy
- 6 mai
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 31 juil.

Un contexte de ralentissement prolongé pour les cabinets de conseil
Après une période de forte croissance post-Covid marquée par des demandes accrues en transformation digitale, supply chain ou encore stratégie de relocalisation, les cabinets de conseil ont connu un net ralentissement courant 2023. En cause : un resserrement monétaire massif initié par les principales banques centrales, une inflation persistante et une incertitude géopolitique pesante (conflits, tensions commerciales, disruption énergétique). Ce contexte macroéconomique a conduit de nombreux clients des cabinets de conseil des groupes industriels aux scale-ups de la tech à geler ou reporter certains projets, notamment dans les domaines du digital, de la croissance externe et de l'optimisation opérationnelle. Certaines entreprises ont privilégié des initiatives plus internes, capitalisant sur leurs propres équipes, tandis que la Priorité donnée à la réduction des coûts a réduit l’appétence à investir dans des missions longues ou exploratoires. Résultat : un essoufflement du carnet de commandes pour de nombreux acteurs, particulièrement dans les segments spécialisés en stratégie ou innovation.
La baisse des taux : un catalyseur pour l'investissement et les besoins d'accompagnement
En juin 2024, la Banque centrale européenne (BCE), suivie par la Réserve fédérale américaine, a enclenché un mouvement inverse : la première baisse des taux directeurs depuis 2019. Cette inflexion monétaire, attendue et saluée par les marchés, est destinée à soutenir la croissance dans un contexte où l’inflation est désormais sous contrôle. Ce changement de cap pourrait amorcer un redémarrage progressif des projets clients, et, avec lui, une relance des carnets de commandes des cabinets de conseil.
Un effet direct sur le financement et les décisions d’investissement
Le retour à une politique monétaire plus accommodante abaisse le coût du capital, ce qui rend de nouveau attractives certaines dépenses d’investissement que les entreprises avaient différées. L’achat de technologies, les projets de transformation ou les fusions-acquisitions sont susceptibles de repartir à la hausse dans les prochains mois. Or ces domaines sont fortement demandeurs de conseil : qu’il s’agisse d’assistance à maîtrise d’ouvrage, de réflexion stratégique ou de conduite du changement, les cabinets de conseil sont des partenaires clésdans les phases d’amorçage, d’exécution et de pilotage.
Une reprise anticipée dans certains secteurs
Certains secteurs, comme l’industrie manufacturière ou l’énergie, devraient bénéficier rapidement de conditions de financement plus favorables. Pour ces acteurs souvent très capitalistiques, les projets à ROI long terme redeviennent envisageables. Par ailleurs, les fonds d’investissement, qui avaient ralenti leur activité au premier semestre 2023, pourraient relancer leurs opérations de build-up et de carve-out—deux leviers qui génèrent historiquement un volume considérable de missions pour les cabinets (Due Diligence, PMO, plan de synergies, intégration post-deal...). D’ailleurs, plusieurs acteurs du conseil observent déjà une légère reprise du « pipeline » commercial pour le second semestre 2024, en particulier du côté des cabinets spécialisés en stratégie et en transformation digitale
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Quels défis pour les cabinets dans ce retournement de cycle ?
Réengager les clients et ajuster la capacité productive
Même en cas de reprise progressive, les cabinets doivent faire preuve d’agilité. « Nous voyons des signaux favorables mais les cycles de décision sont encore longs », rapportait récemment un partner d’un cabinet de conseil en stratégie basé à Paris. L’un des enjeux majeurs réside dans la synchronisation de la capacité de production avec la remontée de la demande. Après une période de sous-utilisation des équipes, nombre de cabinets avaient réduit leurs recrutements, voire procédé à des ajustements de staffing. Ils doivent désormais gérer un redémarrage sans compromettre leur rentabilité court terme.
Une pression accrue sur la valeur produite
Les clients, devenus plus exigeants depuis la période inflationniste, attendent des missions au ROI clairement démontrable. Cette exigence se traduit par une pression renforcée sur la pertinence des recommandations, sur la durée des missions et sur les prix. Les cabinets doivent donc apporter une forte valeur ajoutée dès les premières semaines de mission et prouver leur efficacité opérationnelle. Dans ce contexte, les pratiques de conseil fondées sur la data, l’IA ou les benchmarks sectoriels gagnent en importance.
Vers un marché plus sélectif mais mieux orienté
Une reprise différente selon les segments
La baisse des taux ne bénéficiera pas de façon uniforme à tous les cabinets. Les projets à haute valeur stratégique (fusions-acquisitions, nouvelles offres, croissance à l'international) repartiront probablement avant les grands chantiers de transformation interne. Ainsi, les cabinets de stratégie et de M&A devraient être les premiers à ressentir les effets positifs. En revanche, les cabinets généralistes ou très exposés au secteur public pourraient connaître une reprise plus lente, dans un cadre budgétaire toujours contraint.
Un retour à la croissance conditionné par la capacité d’adaptation
Ce nouvel environnement offre une opportunité à ceux qui sauront se positionner rapidement sur les projets émergents : IA générative, automatisation, décarbonation... Autant de marchés en croissance qui attireront des investissements dès que les conditions financières le permettent. Les cabinets les plus proactifs sur ces sujets, ayant su capitaliser sur la période de creux pour innover, former leurs équipes ou ajuster leurs offres, seront logiquement mieux placés pour gagner des parts de marché.
Une inflexion conjoncturelle révélatrice d’une mutation structurelle
La baisse des taux directeurs, si elle soutient la demande à court terme, ne saurait faire oublier les transformations de fond qui redessinent durablement le marché du conseil: exigence de mesure d’impact, digitalisation accélérée des méthodes, besoin de compétences rares, hybridation des modèles économiques. Ce retour de cycle offre donc une respiration profitable, mais il s'adresse à un secteur en recomposition, où seuls ceux qui auront su anticiper les attentes des clients de demain tireront pleinement parti de la relance. La baisse des taux ne marque pas la fin des défis pour le conseil, mais bien le début d’un nouveau chapitre stratégique.




