top of page

Conseil public : 26 millions d’euros d’achats, un marché toujours dominé par les grands cabinets

  • Photo du rédacteur: Giulia
    Giulia
  • 14 nov.
  • 4 min de lecture

Deux consultants discutent d’un projet stratégique sur ordinateur dans un bureau moderne.

Une commande publique dynamique malgré les débats

Le marché du conseil dans le secteur public français a représenté environ 26 millions d’euros d’achats en 2023, selon les derniers chiffres consolidés publiés par les autorités compétentes. Si les polémiques autour des missions de conseil public ont parfois agité l’opinion et conduit à la publication du Guide de l’achat de prestations de conseil par le gouvernement en 2022, elles ne semblent pas avoir significativement freiné le recours aux cabinets.

Au contraire, les données montrent que l’État et ses opérateurs continuent de s’appuyer régulièrement sur des compétences externes pour accompagner des projets stratégiques, techniques ou organisationnels, sur fond de transformation de l’action publique.


Les grands cabinets conservent leur leadership

Sur ce marché particulier, ce sont encore une fois les grands cabinets internationaux du conseil qui raflent l’essentiel des marchés. Les données de la plateforme des achats publics (PLACE) et du Bulletin officiel des annonces des marchés publics (BOAMP) révèlent une concentration des contrats au profit d’un noyau solide de cabinets reconnus pour leur capacité à mobiliser des expertises multisectorielles et à piloter des projets à fort enjeu.


Un marché oligopolistique assumé

Parmi eux, on retrouve les habituels leaders : McKinsey & Company, Accenture, Capgemini Invent, EY, et Deloitte, qui confirment leur implantation durable dans la sphère publique. Ces acteurs bénéficient de leur capacité à répondre à des appels d’offre complexes, à mobiliser rapidement des équipes pluridisciplinaires et à assurer une gestion de projet conforme aux exigences du secteur public.

Le top 5 des cabinets a capté à lui seul environ 60 % du montant total publié en 2023. Cette domination s’explique à la fois par leur couverture complète des domaines de conseil (stratégie, transformation numérique, efficacité organisationnelle, conduite du changement, etc.) et par la confiance persistante des donneurs d’ordre publics face à des enjeux souvent urgents ou techniques.


Quels types de missions sont commandées ?

Les prestations de conseil achetées par l’administration portent principalement sur trois types de missions :

  • La transformation numérique : accompagnement des ministères et agences publiques dans la digitalisation des parcours usagers, sécurisation des infrastructures IT, refonte des plateformes métiers.

  • Le pilotage stratégique : structuration de feuilles de route, aide à la définition de politiques publiques, cadrage de projets de réforme.

  • Le conseil en organisation et conduite du changement : soutien aux processus RH, rationalisation des structures administratives, amélioration des processus internes.

Ces missions s’inscrivent dans une logique d’efficience et de modernisation de l’action publique, en lien avec les engagements gouvernementaux en matière de transformation de l’État, de sobriété budgétaire et d’amélioration des services rendus aux usagers.


Une régulation renforcée mais pas dissuasive

Depuis 2022, le gouvernement a mis en place une série de garde-fous pour mieux encadrer l’achat de prestations de conseil dans la sphère publique. L’objectif déclaré : réduire les dépenses superflues et renforcer les capacités internes de l’administration par la montée en compétences des agents.

Le décret du 29 avril 2022 et les circulaires associées ont introduit de nouvelles obligations, comme :

  • L’obligation de justifier le recours à un cabinet externe par l’absence de compétences en interne.

  • Un plafond budgétaire pour certaines missions dans les ministères (cible de -15 % annoncé).

  • Des exigences accrues en matière de transparence des prestations, de méthodologie, et de livrables.

Mais dans les faits, les grands cabinets ont su s’adapter à ce nouveau cadre. Ils ont professionnalisé davantage leur approche de l’achat public, intégré les exigences de traçabilité dans leurs réponses aux appels d’offres, et renforcé leur présence auprès des décideurs via des cellules spécialisées.


Quels enseignements pour le secteur du conseil ?

Cette photographie du conseil public en 2023 livre plusieurs enseignements sur les dynamiques actuelles du secteur :


1. La montée en gamme de la commande publique

Le type de missions commandées par l’État témoigne d’un besoin croissant en expertise pointue, transverse et intégrée. La logique d’achat ne se limite plus à une simple externalisation mais à une véritable recherche d’impact, de co-construction et de transfert de compétences.

2. Une barrière à l’entrée toujours forte

Les cabinets de taille intermédiaire (ETI) et les jeunes sociétés de conseil peinent encore à se faire une place sur ce marché, où la capacité de production rapide, les certifications, et la connaissance fine du fonctionnement administratif restent des critères décisifs. Des initiatives émergent toutefois, notamment autour du numérique, de la data ou de l’écoconception des politiques publiques, qui pourraient ouvrir la voie à une diversification de l’offre.

3. Une opportunité pour repositionner le conseil

Dans un contexte de remise en question de la valeur perçue du conseil auprès du citoyen, ce marché public représente un terrain stratégique pour démontrer l’utilité concrète de l’intervention des consultants. Transparence, clarté des résultats, éthique du conseil : autant d’enjeux que le secteur devra continuer de prendre à bras-le-corps pour préserver sa légitimité.


Une veille indispensable pour les professionnels du conseil

Pour les consultants et les étudiants en stratégie qui s’intéressent à la relation entre cabinets de conseil et sphère publique, le suivi de ces marchés devient un point d’attention incontournable. Il révèle les grandes tendances de la transformation de l'État, les sujets porteurs (durabilité, IA, cybersécurité, territoires intelligents…) et les profils de compétences recherchés par les administrations.

Le conseil public n’est pas simplement un segment de plus pour les grands cabinets — il est devenu un laboratoire d’innovation, un vecteur de réputation, et un espace où s’inventent parfois les politiques publiques de demain

 
 
bottom of page