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Administration Trump : Les cabinets de conseils reculent en matière de diversité

  • Photo du rédacteur: Jérémy
    Jérémy
  • 9 mai
  • 4 min de lecture

Dernière mise à jour : 31 juil.

Trump et la diversité dans le conseil

Un recul inattendu dans un secteur pourtant moteur sur les enjeux sociétaux

Depuis plus d’une décennie, les grands cabinets de conseil affichaient des politiques ambitieuses en matière de diversité, d’équité et d’inclusion (DEI). Bain & Company, McKinsey & Company ou encore Boston Consulting Group s’étaient engagés à refondre leurs processus de recrutement, de promotion et de gestion des talents pour mieux refléter la diversité des sociétés contemporaines. Mais entre 2017 et 2021, sous l’administration Trump, plusieurs initiatives DEI ont connu un ralentissement significatif. Certaines actions engagées auparavant ont même été discrètement dépriorisées, selon des rapports internes, des témoignages d’employés, et des études récentes sur les données de diversité publiées annuellement par les cabinets.


Une administration américaine hostile aux politiques DEI

L’une des premières mesures du gouvernement Trump touchant directement le monde du conseil fut le décret exécutif 13950, signé en septembre 2020. Celui-ci interdisait aux agences fédérales et à leurs sous-traitants – y compris de nombreux cabinets actifs sur des contrats publics – de dispenser des formations perçues comme « divisives » sur les questions de race ou de genre. Ce décret a eu un effet immédiat dans l’écosystème du conseil. Les cabinets dont les revenus publics représentent une part significative du chiffre d’affaires, tels que Booz Allen Hamilton ou Deloitte (dont l’activité US Government & Public Services emploie plus de 30 000 personnes), ont suspendu plusieurs programmes internes de formation à la diversité par crainte de représailles ou de pertes de contrats publics. Cette dynamique, renforcée par un climat politique polarisé, a entraîné une mise en veille prolongée de certaines actions DEI, même dans des entreprises historiquement progressistes.


Un impact mesurable sur les chiffres

Selon un rapport publié par le Wall Street Journal au début de l’année 2024, plusieurs cabinets ont connu une croissance stagnante, voire un recul de la représentation des minorités dans leur effectif senior entre 2018 et 2020. Chez McKinsey & Company, par exemple, la part des partenaires issus des minorités ethniques aux États-Unis n’a progressé que de 0,5 % entre 2018 et 2020 – un ralentissement net par rapport à la croissance de 2 % observée de 2015 à 2018. De même, chez BCG, certaines initiatives pilotes pour accroître la diversité dans le middle management ont été gelées pendant plusieurs mois en 2020, selon des sources internes. Résultat : l’effet de levier de ces programmes, destiné à augmenter la représentation féminine et racisée dans les promotions, n’a pas eu l’impact escompté.


Des tensions internes croissantes

Les jeunes consultants, notamment issus de la génération Z, ont exprimé un malaise croissant pendant ces années. Nombre d’entre eux ont rejoint le secteur du conseil attirés par les valeurs de progrès, de justice sociale et d’inclusion mises en avant par les employeurs. Mais face au recul de certaines politiques et au silence assourdissant de la direction sur ces sujets complexes, plusieurs groupes de collaborateurs – souvent réunis au sein d’Employee Resource Groups (ERG) – ont revendiqué une voix plus forte dans les décisions stratégiques touchant à la diversité. Chez Accenture, par exemple, les mobilisations internes au sein du Black Employee Network ont été particulièrement actives à partir de 2020, débouchant sur un engagement public du cabinet à publier chaque année des objectifs chiffrés de diversité ethnique.


Un virage stratégique réaffirmé, mais tardif

En 2021, avec le changement d’administration et le climat social post-George Floyd, plusieurs cabinets ont annoncé des relances massives de leurs politiques DEI : nouveaux comités exécutifs, nominations de Chief Diversity Officers, partenariats universitaires ciblés sur les HBCUs (Historically Black Colleges and Universities), etc. Néanmoins, plusieurs observateurs notent que cette relance s’est faite dans un contexte où la crédibilité des engagements avait été entamée. “Ce n’est pas seulement une question d’annonces ambitieuses, mais de constance dans l’action, même en environnement hostile”, note un ancien managing partner de BCG sous couvert d’anonymat. “Et à ce jeu-là, certains cabinets ont perdu du terrain.”


Enjeux stratégiques pour le secteur

Le recul des politiques DEI ne constitue pas seulement un risque réputationnel : il expose les cabinets à des conséquences opérationnelles tangibles.

Perte d’attractivité auprès des talents

Dans un marché de guerre des talents, les jeunes diplômés des grandes écoles de commerce ou d’ingénierie placent l’inclusivité des employeurs parmi leurs critères de choix. Un cabinet perçu comme peu engagé peut voir ses campagnes de recrutement affaiblies, voire perdre des profils clés à la concurrence.

Risques contractuels avec les donneurs d’ordres publics et privés

Aux États-Unis, de nombreuses juridictions imposent désormais des indicateurs de diversité dans les contrats publics. Et côté entreprises, des clients comme Salesforce, Microsoft ou même la ville de New York évaluent désormais leurs partenaires externes sur des critères DEI. Manquer à ces attentes peut signifier un désavantage compétitif.


Un miroir des tensions culturelles dans le monde du conseil

L’épisode Trump met en lumière un point de friction encore très vif dans le conseil : entre l’image progressiste affichée extérieurement et la réalité des arbitrages internes en période de turbulence politique. Le secteur du conseil, par sa promiscuité avec les décideurs publics et son modèle économique souvent adossé à la commande publique, doit composer avec des choix délicats. Mais il lui revient de démontrer que ses valeurs sont plus que des slogans de communication : ce sont des engagements à assumer, même lorsque le climat politique n’y est pas favorable.


Conclusion : un avenir sous condition de cohérence

Alors que les pressions sociétales s’intensifient et que les régulations se renforcent en matière de diversité — notamment en Californie, au Canada ou en Europe —, les cabinets de conseil n’ont plus le luxe d’être ambivalents. L’enjeu est double : incarner réellement une culture inclusive en interne, et rester crédibles lorsqu’ils accompagnent leurs clients sur ces mêmes problématiques. La période Trump a testé la résilience de ces ambitions. L’avenir nous dira si les leçons ont été tirées.

 
 
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